Résumé
Sheyann Webb sur une balançoire dans le parc George Washington Carver à Selma, en Alabama, lors d'une commémoration de la marche de Selma à Montgomery. Sheyann est militante des droits civiques, connue par Martin Luther King Jr comme la 'Smallest Freedom Fighter', la plus petite combattante de la liberté (8 ans). Essentiel. S'il fallait résumer en un mot le travail entrepris par le collectif Black Lives, ce serait celui-là. Résolument humaniste, ce grand ensemble à dimension variable réuni autour du bassiste Reggie Washington oeuvre en effet, sous l'impulsion de son épouse Stefany Calembert, à l'accomplissement d'un rêve - une utopie, diront certains - tout autant musical qu'à visée sociale. Voilà en effet des musiciens et des musiciennes originaires des Etats-Unis, d'Afrique, des Caraïbes et d'Europe, unis par un langage commun dans une lutte pour l'égalité et la justice. C'est le devenir de nos sociétés perdues dans les excès d'un matérialisme dévorant et la défiance envers l'autre qui est ici en jeu. Par une convergence naturelle des esthétiques musicales et culturelles - jazz, soul, funk, hip hop, blues... - prend forme ce qui est une déclaration d'amour en même temps qu'un acte de résistance. Le coeur battant très fort et le poing levé bien haut ! Les mots d'ordre appellent à l'éclosion d'un monde unitaire, de paix et de liberté. C'est une croyance forte en demain. 'En nous unissant, en luttant, le changement est possible'. La force de Black Lives est sa capacité à fédérer, pour mieux les dépasser, les énergies d'artistes chevronnés qui savent mettre leur talent et leur personnalité au service du groupe. Chacun peut en outre s'emparer tour à tour du rôle de leader en offrant au collectif sa propre histoire, elle-même riche de rencontres. La musique a rarement offert le spectacle d'une si belle synergie intergénérationnelle - les musiciens du collectif ont entre 30 et 70 ans - dévolue à une cause qu'on sait plus que jamais fondamentale en nos temps troubles, où paroles de haine et racisme se répandent à grande vitesse, menaçant de laisser des marques indélébiles dans les esprits. 'Un seul amour, un seul monde, un seul rêve, tous ensemble'. Si par ses intentions 'People of earth' s'inscrit dans la droite ligne de 'From Generation to Generation', il se caractérise par une évolution majeure dans la mesure où, pour l'essentiel, son répertoire fut composé à la faveur de tournées de Black Lives en Europe, en 2022 et 2023. Ils sont vingt-six au total pour ce disque, unis et désireux de faire ressentir au plus près le pouvoir de leurs musiques, traversées de colères et de révolte certes, mais dont il faut souligner aussi la dimension festive, le caractère lumineux et tout l'espoir qu'elles portent. Cette célébration universelle est ce qu'il convient d'appeler une réalisation. Lutte, unité, liberté et paix, un engagement parfaitement illustré par le graphisme de l'album signé Rebecca Meek, déjà à l'oeuvre sur 'From Generation To Generation'. On vibre à cette aventure sous les effets d'une force sous-jacente évoquant l'idée d'une communion des coeurs et d'une élévation des esprits. 'Une seule conscience'. Cette musique est belle, sans doute est-elle même l'une des plus belles qui puissent se concevoir. Mais ne devrait-on pas plutôt dire 'ces musiques' ? Non, parce qu'on les reçoit comme une seule expression, parce que chaque composition est habitée d'une même et puissante dose d'humanité. Une musique, multiple et unique à la fois, qui transmet de fortes sensations. Elle pourra vous embuer les yeux de larmes, vous inviter à oeuvrer à un avenir meilleur ou à une prise de conscience. Ecoutez attentivement les mots de Black Lives : ils sont des alertes lancées au monde, au 'Peuple de la Terre'. L'histoire d'amour racontée par Black Lives est en marche : dédiée à tous les enfants du monde, cette deuxième étape, toute en générosité et fièvre, est aussi une promesse pour les temps à venir. On brûle d'impatience de la vivre sur scène, au plus près des musiciens et de leur vibration. On veut aussi, dès à présent, connaître la suite. Denis Desassis.